La France vient d’entrer dans l’état d’urgence sanitaire avec le titre I de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid 19, parue au Journal officiel du 24 mars. Le Premier ministre l’a présenté comme structuré sur le modèle de l’état d’urgence de droit commun. De quoi s’agit-il ?
Il a été établi par une loi du 3 avril 1955, au début de ce qui n’était pas encore appelé guerre d’Algérie. C’est donc une situation de crise grave qui en est à l’origine. Il peut être déclaré soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas de calamité publique (catastrophe naturelle d’une ampleur exceptionnelle). Il est resté en vigueur du 14 novembre 2015 au 1° novembre 2017 suite aux attentats terroristes à Paris.
L’état d’urgence sanitaire est donc une déclinaison de cette législation générale, appliquée en l’espèce à une pandémie : le CD 19. De ce fait l’intervention du législateur était nécessaire, seul à même d’autoriser des restrictions importantes aux droits et libertés des citoyens.
Le Parlement a aussi autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances un certain nombre de mesures, en matière économique en particulier. Prévues à l’article 38 de la Constitution, votées par le Parlement, elles permettent au gouvernement d’intervenir dans le domaine de la loi durant un délai préfixé, ce qui facilite la rapidité d’adoption des mesures. A l’expiration du délai, le Parlement vote sur ces textes, et soit les entérine soit les rejette. Pas moins de 25 projets d’ordonnance ont été présentés au conseil des ministres du 25 mars !
Quelle est la durée non pas de la loi du 23 mars mais des dispositions prises pour l’urgence sanitaire ? Elles prennent fin en même temps que l’état d’urgence sanitaire, ce qui ne signifie pas forcément dés la fin de l’épidémie. Tout dépend de la situation. En outre des mesures peuvent être adoptées après la fin de l’état d’urgence sanitaire afin d'assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire (article L. 3131-1 du Code de la Santé Publique).
Le confinement résulte des dispositions que le Code de la santé publique autorise avec la nouvelle loi (article L. 3131-15 1° à 10° CSP). La palette en est étendue :
Les atteintes aux libertés peuvent s’avérer considérables, à la hauteur de l’enjeu crucial pour la nation et l’Etat. Mais ces dispositions ne sont adoptées que pour une durée déterminée : la loi au-delà d’un mois précise la durée de l’état d’urgence, fixé en l’espèce d’emblée pour gagner du temps à deux mois par le législateur lui-même (article 4 de la loi du 23 mars).Il peut évidement être renouvelé, mais la loi rappelle qu’il est mis fin sans délai aux mesures lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.
De plus elles sont strictement nécessaires et proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Le juge administratif (le Conseil d’Etat au premier chef) y veillera, en particulier s’il est saisi en référé liberté et référé suspension, procédures d’urgence qui ont fait la preuve de leur efficacité.
Les motivations de l’adoption de l’état d’urgence sont laissées au pouvoir discrétionnaire qui est celui de l’autorité administrative, mais les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques (art. L. 3131-13 CSP).Au demeurant, en cas de déclaration de l'état d'urgence sanitaire, il est réuni sans délai un comité de scientifiques. Son président est nommé par décret du Président de la République. Il comprend deux personnalités qualifiées respectivement nommées par le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat ainsi que des personnalités qualifiées nommées par décret. Le comité rend périodiquement des avis sur l'état de la catastrophe sanitaire, les connaissances scientifiques qui s'y rapportent et les mesures propres à y mettre un terme, et est dissous lorsque prend fin l'état d'urgence sanitaire (art. L. 3131-19 CSP).
Enfin le Parlement joue son rôle de contrôleur de l’exécutif ( qui certes porte mal son nom), puisqu’hormis l’autorisation législative de prorogation au-delà d’un mois et la fixation de la durée de l’état d’urgence sanitaire, L'Assemblée nationale et le Sénat sont informés sans délai des mesures prises par le Gouvernement au titre de l'état d'urgence sanitaire et peuvent requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures.